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Dhimmitude (1) : les origines

Déc 14, 2022

Dhimmitude (1) : les origines

Dhimmi Watch commence ici une série d’articles sur la dhimmitude, des origines à nos jours. C’est en effet une notion très mal connue, alors qu’elle est à l’origine de guerres et de grands massacres, en ce moment même.

On doit à Bat Ye’or d’avoir proposé une vision globale des relations entre les conquérants arabo-musulmans et les peuples conquis. Ceux-ci acceptaient souvent, mais pas toujours, de se convertir à l’islam. Que devenaient-ils en cas de refus ? Comment vivaient-ils ? L’article présent donne des repères chronologiques sur l’apparition des règles de la dhimmitude.

Ces informations proviennent d’un des premiers ouvrages de Bat Ye’or.

En 624, renforcé par le nombre croissant de ses premiers partisans, Muhammad somma l’une des tribus juives de Médine, les Qaynuca, de se convertir à sa nouvelle religion. Comme ils refusaient, il les assiégea, puis ils furent expulsés de Médine, tandis que les Musulmans s’appropriaient tous leurs biens.

L’année suivante, la tribu juive Banu Nadir subit un sort semblable.

En 628, profitant d’un traité de non-belligérance avec les Mecquois, Muhammad attaqua Khaibar, une oasis cultivée par des Juifs. Au bout d’un mois de siège, les paysans juifs capitulèrent aux termes d’un pacte, la dhimma.

Par la suite, toutes les communautés juives et chrétiennes d’Arabie se soumirent aux Musulmans aux termes d’une dhimma semblable à celle de Khaibar : les agriculteurs procuraient assistance et ravitaillement à la troupe musulmane et lui payaient un impôt. En outre, ils cédaient une partie des églises ou des synagogues. En contrepartie, Muhamed s’engageait à respecter leur culte et à les défendre. Mais les nomades musulmans se réservaient le droit de les chasser de leur terre à leur convenance.

Ces épisodes fixèrent les relations entre Musulmans et infidèles, c’est-à-dire la stratégie guerrière (le djihad), le droit de conquêtes, le partage du butin et le sort des vaincus.

A l’origine raid pour le butin, le djihad devint une guerre de conquête régie par un code de prescriptions législatives, son but principal étant la conversion des infidèles.

En 633, une clause accordée aux habitants de Hira (Zoroastriens, Juifs, Chrétiens nestoriens) introduit le principe d’une différentiation vestimentaire entre Musulmans et non-Musulmans.

En 640, le Calife Umar ibn el Khattab chassa du Hedjaz les Juifs et les Chrétiens en invoquant la dhimma de Khaibar : la terre appartient à Allah et à son envoyé. L’Envoyé de Dieu peut rompre son pacte s’il le désire. Deux religions ne peuvent pas coexister dans la péninsule arabique.

Muhammad étant mort, les légistes interprétèrent la volonté d’Allah dans les moindres actes et paroles du Prophète. Cette geste sacrée fut compilée dans le corpus des Traditions (sunna) et achevée vers la fin du 9ème siècle. Les différentes interprétations de la sunna furent codifiées par les quatre écoles de droit musulman orthodoxe (Hanafite, Mâlikite, Shâffite, Hanbalite).

Maîtresse d’un immense empire, l’armée d’invasion arabe se trouva minoritaire parmi la masse non-musulmane, en majorité chrétienne et zoroastrienne. Le statut de ces non-Musulmans est connu sous le nom de pacte d’Umar. Les chroniqueurs l’attribuent tantôt à Umar 1er (584-644; calife de 634 à 644) tantôt à Umar II (682-720, calife de 717 à 720). Il aurait été établi à une époque plus tardive, à partir des Abbasides (750), à une époque où l’intolérance religieuse matait les hérésies et écrasait dans le sang les révoltes des indigènes.

Le statut légal des dhimmi, ou dhimma, s’inspira des pactes conclus entre Muhammad et les tribus juives et chrétiennes d’Arabie, mais en différa par les moyens contraignants. Il fut établi bien après la conquête, à mesure que la colonisation arabe se renforçait.

Le statut des Juifs, Samaritains, Chrétiens, Sabéens et Zoroastriens connut des variantes selon les lieux et les époques, mais dans les pays traditionnalistes comme le Yémen, il se maintint jusqu’au 20ème siècle.

L’oppression fiscale : le kharadj est l’impôt attaché aux terres des propriétaires dhimmi. Il exprime le droit de l’ummah (la communauté des croyants) sur les terres des autochtones non-musulmans, dhimmi. Le kharadj transformait le propriétaire en tributaire détenant sa terre comme fermier et usufruitier. En compensation, l’armée s’engageait à défendre le dhimmi. Cependant cet engagement se détériora rapidement en raison de l’inégalité des parties contractantes.

Les agriculteurs musulmans, eux, payaient un autre impôt, l’ushr, une dîme, d’un montant inférieur au kharadj.

La Djizya : le dhimmi devait aussi payer une taxe de capitation (par tête). La djizya devait être payée au cours d’une cérémonie publique humiliante : en payant, le dhimmi était frappé sur la tête ou la nuque.

Autres taxes : les dhimmi payaient aussi des taxes de commerce et de déplacement, à un taux plus élevé que les Musulmans. Si les communautés dhimmi ne pouvaient les acquitter, femmes et enfants étaient réduits en esclavage. Au 18ème siècle encore, dans l’empire ottoman et au Maghreb, les chefs d’église et des notables étaient torturés à mort jusqu’au paiement d’une rançon. Au 18ème siècle, la communauté juive de Fez fut ruinée par des impôts de cette nature.

En Terre Sainte, les conditions d’anarchie et d’insécurité forçaient les communautés dhimmi à se protéger du pillage et des massacres moyennant un tribut payé aux émirs et aux chefs de bande.

Pour en savoir plus : Bat Ye’or, « le dhimmi, profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du Nord depuis la conquête arabe », éditions Anthropos, Paris 1980

Illustration originale par Jean Charles Goldberg, pour Dhimmi Watch