Le réseau nazi du Caire (Bat Ye’or)
Introduction, par Dhimi Watch
En août 1957, l’hebdomadaire allemand ‘Frankfurter Illustrierte’ (qui tirait chaque semaine à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires) publia une série d’articles sous le titre “Le Caire, point de rencontre des SS”.
Martin Flickenberger (référence [2]) a fait une synthèse de cette affaire en 2011. D’anciens nazis, des membres de la SS et du SD, vivaient en grand nombre en Égypte et y avaient formé “une sorte de petit Troisième Reich”. Ils avaient été recrutés par des agents de l’URSS. En effet, l’URSS, à l’époque, voulait devenir une puissance importante au Moyen-Orient et avait des liens étroits avec Nasser et le soutenait dans sa politique contre Israël. Ces nazis occupaient des postes dans les milieux militaires et dans l’appareil de propagande, où ils faisaient pour Nasser ce qu’ils avaient fait pour Hitler jusqu’en 1945. Déjà en décembre 1956, le London Daily Mail avait publié un article : ”Les hommes de Goebbels mentent pour Nasser : des nazis derrière la propagande égyptienne”, affirmant que des nazis participaient à l’émission de radio de Nasser “la voix des Arabes”. Parmi ces nazis, on trouve des personnalités importantes, comme Léon Degrelle et Alois Brunner.
Le plus actif d’entre ces nazis était Johann von Leers (1902-1965), un antijuif fanatique, fasciné par l’islam depuis sa jeunesse, ami personnel du grand Mufti de Jérusalem, le nazi Amin Al Husseini. Avec son arrivée au Caire en été 1956 (il venait d’Argentine), l’action du réseau nazi prit encore plus d’envergure. Sa tâche était de “participer au développement du national-socialisme égyptien” ; en tant que responsable de “Radio Cairo”, Von Leers menait des attaques “dans le meilleur style de Goebbels” contre l’Occident et les nations arabes qui refusaient le leadership de Nasser sur le monde arabe.
Cette influence arabe, les livres qu’ils ont diffusés (voir Annexe) ont eu un effet considérable dans le monde arabo-musulman et la perception d’Israël. Les ouvrages de négationnistes, comme Garaudy, étaient et sont toujours très appréciés dans le monde musulman, comme le montre Matthias Küntzel. Son livre : Nazis, Islamic Antisemitism and the Middle East: The 1948 Arab War Against Israel and the Aftershocks of World War II paraît en août 2023. Voir aussi la référence [4].
Article de Bat Ye’or
Cet article est extrait du livre de Yehudiya Masriya (Bat Ye’or) “Les Juifs en Égypte”, publié en 1971 aux Éditions de l’Avenir à Genève. L’illustration -une photo de Von Leers- est de wikimedia.[1]
L’Institut pour l’étude du sionisme, fondé au Caire en 1955 pour “lutter contre le Sionisme et le Judaïsme international”, emploie de nombreux nazis. Son directeur, Alfred Zingler, alias Mahmoud Saleh, était conseillé par le Dr Johannes von Leers, alias Omar Amin, mort en 1965, spécialiste de la question juive au Ministère de la propagande de Goebbels.
Ses principaux collaborateurs sont Louis Heiden, employé durant la guerre à l’Agence de presse allemande et auteur d’une version arabe des “Protocoles des Sages de Sion” et de “Mein Kampf”, le Dr Werner Witschale et Hans Appler, alias Saleh Shafar, anciens employés au Ministère de propagande de Goebbels.
En 1957, le nombre de nazis en Égypte est estimé à 2000 par l’envoyée spéciale de la Frankfurter Illustrierte au Caire, dans son article ‘Le Caire, point de rencontre des nazis’. [2] Voici une liste comprenant les noms d’une cinquantaine de nazis réfugiés en Égypte et identifiés[3] :
Franz ABROMEIT, capitaine SS ; membre de l’état-major d’Eichmann en Hongrie et en Croatie.
Dr Erich ALTERN, alias ALI BELLA, pendant la guerre chef de la section juive de la Gestapo en Galicie occupée en Égypte, chargé de l’entraînement de l’Armée de Libération de la Palestine.
Hans APPLER, alias SALAH SHAFAR, précédemment collaborateur de Goebbels ; au Caire à la fin de 1955, il fut engagé dans les services spéciaux égyptiens pour la propagande antijuive et anti-israélienne.
Franz BARTEL, alias EL HUSSEIN, officier de la Gestapo, adjoint de Mildner ; depuis 1959, employé au Département juif du Ministère égyptien de la propagande.
BAUMANN, alias ALI BEN KHADER, participa à l’extermin4tion des Juifs dans le ghetto de Varsovie ; arrivé en Égypte après la fin de la guerre, employé comme spécialiste militaire dans l’entraînement des volontaires de l’Armée de Libération de la Palestine.
Bernhardt BENDER, alias colonel BEN SALEM, Lieutenant colonel dans le Département spécial de la Gestapo ; arrivé en Égypte en 1958, chargé du Département politique de la police secrète du Caire ; chef de I‘organisation “Deutscher Volksbund Nahost”, société d’entr’aide d’anciens nazis dans les États arabes.
Willi BERNER (BRENNER), alias Ben KASHIR, ancien officier SS, gardien du camp de concentration de Matthausen ; avec Altern, il s’occupe de l’entraînement des soldats de l’Armée de Libération de la Palestine.
Werner BIRGEL, alias EL GAMIN, a servi dans les SS à Leipzig ; à la fin de la guerre, s’enfuit en Egypte où il est employé au Département juif du Ministère de la propagande.
Wilhelm BOECKLER, alias ABDEL NAH KRIM, capitaine SS participa, avec la Gestapo, à la liquidation du ghetto de Varsovie ; après son arrivée en Égypte en 1949, entre au Département Israël des Services de l’information égyptienne ; actuellement instructeur militaire auprès du Front de Libération palestinien.
Alois BRUNNER, alias George FISCHER, alias Ali MOHAMED, 1er Lt SS, responsable des déportations de Juifs de Grèce, de France et de Slovaquie.
BUBLE, alias lt. col. AMMAN.
Franz BUENSCHE ; l’un de ses livres, “Les crimes sexuels des Juifs”, fut publié avec l’aide de Goebbels, pendant la guerre, travailla au Ministère de la propagande de Goebbels, arrive en Égypte en 1945.
Erich BUNZEL, alias ALI ALLAN, expert des affaires juives, ancien Obersturmfüher S.A., travaille actuellement au Département juif du Ministère égyptien de la propagande.
Joachim DAEMLING, alias Jochen DRESSEL alias MUNIR GAMAL, chef de la Gestapo à Düsseldorf ; en Égypte en 1954 devint conseiller au Ministère de l’intérieur engagé dans l’organisation des camps de concentration où sont détenus les adversaires de Nasser.
Léon DEGRELLE, général SS, chef des nazis belges, trouva refuge en RAU à la mi-février 1970.
Oscar von DIRLEWANGER, général SS, dirigea l’extermination des partisans en Pologne et en Ukraine, veillait à la sécurité personnelle de Nasser.
Eugen EICHBERGER, participa à l’extermination des Juifs en Ukraine ; en Égypte en 1952, major dans l’armée égyptienne, chargé de la sécurité personnelle de Nasser.
Dr Hans EISLER, le tristement célèbre médecin du camp de concentration de Buchenwald.
Léopold GLEIM, alias lt. col. ALI AL-NASHER, ancien colonel de SS et chef de la Gestapo en Pologne ; arrivé en Égypte en 1955, il est rapidement chargé de l’organisation de la police secrète, des camps de concentration du Désert Occidental, et du contrôle de police des Juifs qui vivent encore en Égypte.
Baron von HARDER chargé d’un poste responsable au Ministère de la propagande de Goebbels ; en Égypte, il assume d’importantes fonctions à la direction de la propagande anti-Israël et anti-Juifs où il retrouve ses anciens collègues, les barons von MILDENSTEIN, von BECHTOLSHEIM et le Dr Werner WIETSCHEKLE.
Louis HEIDEN, alias Louis LA-HADJ, travailla avant la guerre dans la “haute administration de la sécurité du Reich” (RSHA) et pendant la guerre à l’Agence de presse allemande, devenu l’un des chefs de l’appareil de propagande antijuive de Nasser, il a traduit “Mein Kampf” en arabe.
Dr Herbert HEIM, ancien médecin du camp de Matthausen et, depuis 1954, médecin légiste en Égypte.
Karl LUDER, alias ABDEL KADER, chef de la Jeunesse Hitlérienne à Dantzig où il se fit remarquer par sa cruauté envers les Juifs et les Polonais opposés au régime nazi ; arrive en Égypte après la fin de la guerre et y travaille en tant qu’expert en affaires militaires.
Dr Rudolf MILDNER, colonel SS, ancien chef de la Gestapo à Kattovice (Pologne), puis chef des SS du Danemark ; en Égypte depuis 1963 il travaille pour une organisation germano-arabe.
Alois MOSER, alias col. HASSAN SULLIMAN, major-général SS, participa à l’extermination des Juifs d’Ukraine ; après la guerre, il s’enfuit en Égypte, devient conseiller à la formation militaire des groupes de jeunesse du Caire ; conseiller pour les affaires anti-Israël au Ministère égyptien de l’information.
Heinrich MULLER, chef de la Gestapo, arriva en Égypte en 1949 et, jusqu’à son départ pour l’Amérique latine, travailla avec von Leers.
Daniel PERRET-GENTIL, fasciste suisse, servit comme directeur de SS dans la “Wehrmacht-lntelligenz“; il fut directeur du programme français de la Radio du Caire.
Franz RADEMACHEER, accusé du meurtre de 1300 Juifs au cours d’un procès, s’échappa d’Allemagne fédérale en 1952 pour trouver refuge au Caire.
Dr Fritz ROESSLER (RICHTER) ‘ ‘Gauleiter” sous Hitler ; en Égypte, chargé de la distribution à l’étranger de la propagande antijuive et anti-Israël.
H. SCHMALSTICH, major SS en France en 1940, où il devient agent de liaison entre la Gestapo et les collaborateurs français, il fut impliqué dans la déportation des Juifs de Paris ; depuis 1961, travaille dans les services secrets égyptiens.
SEIPEL, alias EMAD ZUCHER, ex SS Sturmbahnführer, actuellement conseiller au service de sécurité du Ministère de l’intérieur de la RAU.
Heinrich SELLIMANN, alias HASSAN HAMID SOLEIMAN, major-général SS et chef de la Gestapo à Ulm ; après 1945, s’enfuit en Égypte où, en 1948, il devient conseiller en matière de police, puis directeur appointé des services de sécurité.
Albert THIELMANN , alias AMAN KHADER, chef des SS en Bohême, dans la région de Reichenberg ; en Égypte, après la guerre, travaille au Département Israël du Ministère égyptien de la propagande.
Gustav WAGNER, assistant au camp de concentration de Sobibor, arrive en Égypte en 1958. Friedrich WARZOK, ancien commandant du camp de concentration de Lemberg-Janowska, responsable de la mort d’environ 60.000 personnes.
F.K. WESEMANN, impliqué dans l’extermination des Juifs du ghetto de Varsovie.
Dr Heinrich WILLERMANN, alias Dr NAIM FAHOUM, auparavant médecin de l’état-major Général SS, effectua des expériences criminelles au camp de Dachau ; depuis 1952, il est employé dans les services égyptiens de l’Information et au camp de concentration de Samara, pour prisonniers politiques, à 200 km au sud d’Alexandrie.
Parmi ceux qui ont servi ou servent encore comme conseillers militaires de l’Égypte, on trouve les noms suivants : le général Wilhelm Fahrmacher, de l’Afrika Korps de Rommel ; son adjoint l’officier SS Tiefenbacher ; major-général Oscar Munzel ; major-général Otto Remer, un néo-nazi organisateur d’émeutes dans l’Allemagne d’après guerre. Otto Skorzeny vécut un moment au Caire, conseillant le gouvernement égyptien pour les opérations de commandos.
P. Willy Messerschmitt, Fritz Hense Kurt Tank et le professeur Heinkel, l’un des meilleurs spécialistes de l’aviation de l’Allemagne nazie, sont actuellement au service du gouvernement égyptien.
Le professeur Paul Goercke, l’ex-officier de la Gestapo Dr Hans Kleimwaechter, le professeur Wolfgang Pilz, le Dr Heinz Krug, le Dr. Eugen Soenger, Ernst Zolling, travaillent ou travaillèrent au développement de l’industrie aéronautique, à la fabrication de roquettes, à la préparation de la guerre chimique et biologique, pour I ‘Egypte.
ANNEXE : LISTE D’OUVRAGES ANTISEMITES PUBLIES AU CAIRE (les titres donnés ici sont traduits de l’arabe)
- avec référence aux “Protocoles des Sages de Sion” :
“Publications des Protocoles des Sages de Sion”, série des “Livres Politiques”, no 5,
Le Caire, 1957, 190 pp. “Les Protocoles des Sages de Sion et I ‘enseignement du Talmud” par Shawki Abdel Nasser (frère de l’ancien président), édité par Dar al-Taawun Iiltiba wal-Nashr, 232 pp. “Les fils d’Israël dans le Coran et la Sunna” par le Dr Muhammad Tantawi, Le Caire, 1969 (comprend un abrégé des “Protocoles ). Des références à des thèmes antisémites, notamment aux “Protocoles” se trouvent dans des brochures destinées à l’endoctrinement des Forces Armées, publiées par le Service d’Endoctrinement (Tauji Maanawi).
b ) avec référence au meurtre rituel . “Sacrifices humains dans le Talmud”, série des ‘ ‘Livres nationaux”, no 184, publié par le Ministère de l’information, 1962, 164 pp., réédition du livre publié au Caire en 1890 par Habib Faris, fondé sur “The historical problems of what happened in Syria in 1840” de Charles Lovan. “Les secrets du Sionisme” par Abd Al Munim Shamis, “Livres politiques”, no 1, Le Caire, 1957 ; les pages 96-103 traitent du meurtre rituel. “La fin d’Israël” par Abu Al Majd, Le Caire, 1960, introduction par le directeur de “La Voix des Arabes”, publié par la Compagnie Arabe d’Edition et de Publication ; les pages 17-22 traitent du meurtre rituel. “Les Ennemis de l’Humanité” par Bint al-Shati (Aïsha Abd al Rahman), Conseil Suprême des Affaires Islamiques, Le Caire, les pages 165-170 se réfèrent au meurtre rituel. Et enfin récemment, “The Fourth Conference of the Academy of Islamic Research Al-Azhar, septembre 1968, Le Caire, General Organisation for Government Printing Offices 1970, publié en arabe et en anglais, reprend les thèmes courants de l’antisémitisme arabe
[1] Bundesarchiv_Bild_183-2004-0825-502,_Dr._Johann_von_Leers https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Johann_von_Leers
[2] SS-Treffpunkt Kairo, Frankfurter Illustrierte, 25/8/1957. Voir Martin Finkenberger : ‘Johann von Leers und die „faschistische Internationale“ der fünfziger und sechziger Jahre in Argentinien und Ägypten’ ; Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 2011, 59 (vol 6), p. 522, https://www.geschkult.fu-berlin.de/e/fmi/bereiche/puschner/promotion/doktoranden/MF1.pdf
[3] Institute of Jewish Affairs, Patterns of Prejudice, London, May-June 1967 ; Michel Tatu : ‘M. Wiesenthal publie la liste des criminels de guerre nazis réfugiés en Égypte’, Le Monde, 9 juin 1967 ; M.S. Arnoni, Le Nationalisme Arabe et les Nazis, Tel-Aviv, Août 1970.
[4] La propagande : mondialisation de l’antijudaïsme, Dhimmi Watch, 1/6/2023, https://dhimmi.watch/2023/05/09/la-propagande-mondialisation-de-lantijudaisme-videoconference-le-1er-juin-2023/